témoignage Cultiver notre liberté

écrit en juin 2021
publié dans Recto-Verseau du sept. 2021

Nous étions une famille ordinaire de classe moyenne - père travaillant à 100% pour un bon salaire dans une multinationale, mère au foyer, deux enfants, un chien; bons consommateurs, restaurant une fois par semaine, vacances par avion une à deux fois par an. Au début du siècle, après une prise de conscience écologique, nous avons décidé de passer à la pratique et commencé à manger bio et des plantes sauvages, à nous intéresser aux solutions alternatives. André s’est engagé dans la commission d’énergie de la commune et dans des mouvements citoyens, Mim s’est mise à créer des tableaux et des sculptures pour sensibiliser à l’écologie et spécialement à la problématique des déchets.

En 2006, nous avons acheté la distillerie à la gare de Romont mais notre projet d’habitat n’a pas été accepté et nous avons imaginé de transformer le bâtiment en 4 locaux commerciaux à louer. Nous avons décidé de tout faire nous-mêmes pour dépenser le minimum d'argent et nous acheter une autre maison pour y habiter, ce qui n’est toujours pas fait. André a commencé à travailler à 80% pour avoir du temps pour le chantier et étonnement, malgré la baisse de salaire, nous avons remarqué que la qualité de notre vie s'est améliorée.

Notre vie a surtout changé en intégrant le SEL Glânois (Système d'Echange Local), dont nous avons participé au lancement en 2010, pour ensuite nous engager activement dans le développement des SEL en Suisse Romande. Nous avons eu des coups de main sans argent qui nous ont bien aidé au chantier et nous avons créé beaucoup de liens localement, en rencontrant des gens qui ont des valeurs proches des nôtres. Nous nous sommes lancés dans plusieurs projets alternatifs et avons décidé de suivre la formation de Design d'écovillages. A la suite de cette formation holistique et très enrichissante, en 2013, nous avons décidé de valoriser notre bâtiment comme Centre d'activités Maison Verte. André a osé démissionner à la stupéfaction de nos ados qui s'inquiétaient plus que nous des ressources pécuniaires. L'animation d'activités et la location de salles sont devenues nos sources de revenu, maintenant on vit avec nettement moins d'argent, mais tellement plus libres et heureux! Nous n’éprouvons plus le besoin de partir en vacances, c’est le monde qui vient à nous de par la diversité culturelle des personnes qu’on côtoie et des activités de notre centre.

En passant par la permaculture comme philosophie de vie, applicable aussi au niveau social et économique, nous sommes arrivés à la paraculture qui correspond mieux à notre vision de collaboration avec la nature. Nous favorisons les plantes qui nous intéressent, sans chercher à les cultiver, tout en acceptant les cadeaux que la nature et la vie nous offrent. Notre jardin, qui était jusqu’en 2013 une immense place asphaltée, nous donne de plus en plus de plantes comestibles et se transforme peu à peu en jardin-forêt. C’est devenu une petite oasis au milieu de la civilisation, pour le bonheur des oiseaux qui nous réveillent le matin en chantant.

Année après année, nous imaginons des moyens pour valoriser les plantes locales et nous nous habituons à les manger. Nos grands succès sont le cynorrhodon qui remplace la tomate, la tige de berce à la place du concombre, les feuilles de panais sauvage comme légume vert, les chips d’orties, le verjus de prunes, les fruits utilisés comme des légumes… Nous faisons aussi notre boulangerie au levain et fromagerie avec du lait de ferme et, depuis peu, même notre “boucherie” d’insectes.

La nature se déguste, elle ne se consomme pas! En effet, les produits naturels ont plus de goût et de nutriments que les animaux et végétaux élevés en captivité. Il ne faut pas non plus piller son environnement, les ressources disponibles sont à partager avec les autres êtres intéressés, sans oublier de laisser une part pour que la nature puisse se régénérer. Nous avons aussi appris à nous écouter pour manger selon nos vrais besoins, ce qui a fait qu’au final on mange moins en quantité. C’est le corps qui nous dit quand, quoi et combien manger, pas la tête ou les conventions sociales. Cela a fait perdre une vingtaine de kilos à Mim sans qu’elle ne s’en rende compte.

A part ce que la nature nous offre et ce que nous produisons nous-même, grâce aux solutions de troc et de partage que nous avons à disposition, comme la boîte et le frigo à dons que nous gérons à la Maison Verte, nous avons accès à beaucoup d’autres produits sans argent. Ce qui fait qu’au final, nous n’achetons presque rien. Ce n’est pas qu’on se prive de quelque chose, bien au contraire, simplement nous n’éprouvons plus le besoin de consommer, d’accumuler des objets, d’être à la mode ou d’afficher notre statut social. Comme nos amis sont dans la même mouvance et nos familles éloignées, nous ne subissons pas de pression sociale pour nous comporter d’une certaine manière. Nous nous sentons libres et créateurs de notre réalité!

Longtemps, on ne voyait pas comment créer un logement dans notre centre d’activités mais en 2020 cela a été enfin réalisé! Sans changer l'enveloppe du bâtiment, nous avons pu caser un studio, tout en gardant 4 salles à louer. Encore une fois, nous avons pu nous occuper nous-même des travaux, pendant le semi-confinement. Finalement, le côté administratif a pris deux fois plus de temps et nous a coûté plus cher que le chantier lui-même!

Notre studio nous convient complètement, comme s'il avait été fait sur mesure. Quel plaisir d'être chez soi, de ne plus avoir un loyer à payer, de faire encore un pas vers la simplicité et l'autonomie! Nous trouvons que notre logement n'est finalement pas si petit, on était prêts à vivre avec moins, nous n’avons même pas dû mettre tous les espaces de rangement prévus. Ce qui nous plaît de vivre dans un petit espace, c'est que tout est sous la main, pas besoin d'aller bien loin pour chercher un objet. Et le ménage est fait en un rien de temps!

On a tellement de la place dans notre petit studio qu'on a décidé de prendre d'autres colocataires. Nous avons commencé à élever des vers de farine. On ne pensait pas qu'on pouvait en faire des animaux de compagnie! C'est sympa à observer, c'est notre télé, c'est un peu comme d'avoir des poissons ou des reptiles. De plus, ils ne se nourrissent que de sous-produits pour nous donner des protéines et de l’engrais de grandes valeurs. Nous avons aussi pris deux poussins qui habitent chez nous et deviendront nos poules de compagnie. Ils adorent manger des vers de farine, et nous aussi. Leurs œufs nous feront avancer encore d’un pas vers l’autonomie alimentaire.

Au fil des années, nous avons créé un style de vie qui nous correspond et nous sommes bien heureux comme ça! Il y a peu de choses qui peuvent encore être améliorées. Nous ne visons pas l’autarcie, nous aimons collaborer et développer des solutions gagnant-gagnant-gagnant, donc gagnantes pour nous, les autres et la nature. Il y a encore beaucoup de possibilités de partage en réseau, par exemple pour valoriser cette abondance d’objets et de ressources disponibles. Nous partageons volontiers notre expérience, nos compétences et nos idées avec les personnes désirant s’inspirer de notre chemin de liberté.

Mim et André Meilland
https://creatie.ch
https://maison-verte.ch

Type: Info
Contact: Creatie

Date de publication: 22.02.2022
Categories: Témoignages, présentations
Categories Creatie.ch: Notre style de vie
Visibilité sites: Creatie.ch, enReseau.ch, Monla, Permaculture-Fribourg, enLien, Maison Verte, REGAL
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